La lutte pour le climat est aussi la lutte contre le productivisme !

COP 26 : la honte, au regard de l’urgence !

Les COP passent et se ressemblent. Le rapport du GIEC qui venait pourtant de sortir et qui aurait dû pousser à l’action, une action immédiate, radicale, de rupture, ne se retrouve en rien dans les décisions qui sont sorties de la COP 26.

S’il faut noter la mention, pour la première fois dans une COP, des énergies fossiles et du charbon, les avancées de cette COP sont dérisoires et même un camouflet pour les pays les plus vulnérables, qui n’obtiennent même pas les 100 milliards qui leur était promis par les pays riches pour les dommages qu’ils subissent en raison du changement climatiques

L’arnaque des marchés du carbone et des mécanismes de compensation, véritables « droits à polluer », contribuant, par l’investissant dans des projets dits « de protection de l’environnement » à l’expulsion des populations autochtones de leurs terres ;

Suivent des engagements trompe-l’œil sur les énergies car non contraignants (sur la réduction du méthane, sans remise en cause de l’agriculture industrielle) ou permettant un échappatoire (l’engagement à ne plus financer d’énergies fossiles à l’international d’ici 2022 – sauf pour les projets qui ont des techniques de captage et de stockage de carbone!).

Le texte final lui-même n’a pas résisté à un alignement vers le bas, afin de déranger personne, au grand dam du président de la COP.

C’est ainsi, par la voie des (très) petits pas et des engagements non contraignants, que le réchauffement s’éloigne de l’objectif du 1,5°C. Depuis 1970, les émissions mondiales de GES se sont accrues de 80 % et de 45 % depuis 1990, année de référence. Et cela continue dans la dernière décennie, les émissions passant de 49 GtCO²eq en 2010 à 55,3 GtCO²eq en 2018. Et 26 COPs se sont écoulés…

Y aurait-il une force maligne qui empêcherait d’avancer ?

Dans les COP, on ne s’intéresse pas aux causes, ce qui conduirait à la critique de notre mode de développement. Mais, comme disait Mme Thatcher, « there is no alternative » (TINA) ! Dès lors, la seule question à se poser, c’est les moyens permettant de rendre « soutenable » la poursuite infernale de la croissance à laquelle nous condamne le capitalisme. On les cherche dans les technologies, dans le changement du mix énergétique, dans les mécanismes de compensation.

Pas touche à la mondialisation libérale, le climat passe après, disent-ils !

Quelques dates repères.

Le rapport du Club de Rome soulignait déjà en 1972 les limites de la croissance au regard des ressources limitées de la planète et déjà des conséquences sur le climat. Mais c’est seulement à la fin des années 1980 que le G7 a créé le GIEC, non sans l’arrière-pensée de contourner les milieux écologistes et de disposer d’un outil scientifique pour suivre le changement climatique. Le GIEC sort son premier rapport en 1990.

En 1992, le Sommet de la terre de Rio intronise le vocable de « développement durable » et adopte une convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). C’est ainsi que va se tenir à Berlin en 1995, sous l’égide des Nations Unies, la première Conférence des parties (COP), première d’une longue série.

Il faut noter que cette période coïncide avec le tournant libéral du capitalisme, entraîné par Reagan et Thatcher, avec la mondialisation qu’il va entraîner et l’éclatement des frontières économiques. On va l’appeler le « développement durable », qui doit concilier affaires, social et environnement.

Le rôle des COP n’est pas d’empêcher la croissance, mais d’en limiter les impacts sur le changement climatique, sans gêner le commerce et les mouvements de capitaux à la recherche des meilleures zones de profit.

Les COP ne sont pas contraignantes pour les Etats, elles n’interfèrent pas avec les traités de libre échange qui donnent un pouvoir croissant aux firmes transnationales par rapport aux Etats.

Cette période voit fleurir une multitude de traités régionaux, en vigueur ou encore en cours de discussion, (CETA, TAFTA, Mercosur …) qui ne se limitent pas à supprimer les barrières douanières, mais qui tendent à ligner vers le bas les normes sociales et environnement. Pis encore, les litiges entre les Etats et les entreprises sont jugés par des tribunaux privés, qui peuvent condamner les Etats à des amendes lourdes si leur politique va à l’encontre des intérêts de l’entreprise.

C’est le cas du Traité sur la charte de l’énergie (TCE), signé en 1994 par les pays européens qui permet à l’énergéticien allemand RWE de poursuivre les Pays-Bas au sujet de sa politique de sortie du charbon, arguant que cette décision lui ferait perdre plus d’un milliard d’euros.

D’un côté, des règles contraignantes, lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts du capital, de l’autre des engagements volontaires qui n’engagent personne.

Toujours plus, ou décroissance choisie, décidée collectivement ?

Il ne faut pas attendre grand-chose des COPs, ce sont des théâtres où se joue toujours la même pièce, la défense d’un système qui a fait son temps, car il fait face à une contradiction insurmontable : croître sans cesse dans un monde fini et donc aux ressources limitées. Deux siècles d’industrialisation à peine ont suffi pour modifier le climat et détruire une grande partie des écosystèmes vitaux.

Il est illusoire de penser que la science et la technologie apporteront la solution. On sait que dans notre système productiviste, les gains de productivité sont vite rattrapés par le consumérisme poussé par une publicité envahissante.

Ces changements impactent de plein fouet les sociétés humaines et les équilibres mondiaux, par la réduction des ressources alimentaires, les nouvelles pandémies, la montée des eaux, etc. qui vont entraîner des déplacements de population, à des échelles inconnues jusqu’ici.

Quand on voit l’Europe se transformer en forteresse face aux migrations, la montée de l’extrême-droite dans plusieurs pays, en France la droite rejoindre les positions de l’extrême-droite, au point de se demander si la campagne des présidentielles ne va pas se mener sur les seuls thèmes des migrations et de l’insécurité, il y a matière à s’inquiéter.

Lorsque le covid est venu bouleverser notre existence, nous avons lancé, avec d’autres, des appels à changer la vie, à abandonner ce qui est inutile ou superflu, à faire croître les biens et les services qui répondent aux vrais besoins.

Les Etats, qui ont partie liée avec les firmes transnationales, ne se posent pas ce genre de question.

Pourquoi ne pas lancer une initiative inspirée de la Convention citoyenne pour le climat, qui serait chargée, à travers des consultations très larges de la population, d’écrire ce que serait un avenir désirable, répondant à l’exigence de « justice climatique » et compatible avec les 1,5°C ? La dernière étude de NégaWatt apporte des éléments intéressants à cet égard.

L’avenir est à nous !

Oui, c’est aux peuples de s’en emparer de la question climatique, car le climat est un bien commun mondial. Le temps presse, et si le combat se mène dans chaque pays, l’ennemi est mondial, nous avons besoin d’allié.es, et la bataille sur le climat est aussi une bataille résolue contre les politiques colonialistes des Etats les plus riches – la France en particulier – et contre les firmes transnationales qui défendent les dictatures.

L’action individuelle et collective au niveau local est aussi essentielle. Le local, c’est l’échelle de base de la démocratie directe et de l’action sur le mode de vie. C’est le premier niveau pour se réapproprier la politique ainsi que la maîtrise de son travail par l’autogestion. Les listes « communalistes » constituées pour les dernières élections municipales montrent la voie, malgré le peu de réussites.

La sortie du capitalisme ne se fera que si nous abandonnons les cadres de pensée et les valeurs du passé et que nous parvenons à faire prévaloir notre vision du monde, c’est à dire gagner hégémonie, comme aurait dit Gramsci.

Cela peut paraître aujourd’hui plus dur que de franchir une montagne, et pourtant les choses changent. Face aux forces des ténèbres, les luttes dans le monde se multiplient : luttes paysannes contre les grands propriétaires fonciers ; résistance des peuples autochtones contre les activités minières ou pétrolières qui menacent leurs terres ancestrales ; mouvements des places dans plusieurs pays, gilets jaunes ; expériences communalistes ; réveil aussi du mouvement ouvrier à travers l’écosyndicalisme.

Ces luttes portent les valeurs de solidarité, de coopération, la fin des oppressions en tout genre, le plaisir d’agir ensemble, de se réapproprier sa propre vie, les valeurs du prochain monde.